WILD CEREMONY : ENSAUVAGEMENT / EMERVEILLEMENT

Rituel Chamanique Spontané et Poétique :
WILD  CEREMONY :
Séance  d’ENSAUVAGEMENT / ÉMERVEILLEMENT / CERCLE DE TAMBOUR / CÉRÉMONIE DE SOINS
Danse Extatique, Transe, Chant spontané et Furie
Revenir aux sources du Chamanisme, à son essence, avant même sa structuration…
avec Eric Sunfox Marchal

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Nous ne pouvons pas savoir ce qui va se passer. Nous savons juste dans quel état de transe chamanique nous allons nous mettre pour commencer, comment la rencontre avec une plante sacrée (tabac, cacao, rose…) peux sublimer cela, comment la danse-transe extatique va nous y emmener…
… ensuite ?
Ensuite, il se peut que dans cet état, au delà de moi, nous donnions des soins chamaniques à certains, que nous parlions à d’autres, que quelque chose de transpersonnel nous emporte, nous touche, que nous soyons guidés.. ou je ne sais quoi. Selon le voyage chamanique que nous ferons, selon la guidance de la plante et des Esprits, selon ce qui nous sera soufflé… alors peut être, dans ce réenchantement du monde qu’est le chamanisme, nous sera donné quelque chose de l’Émerveillement…

Vidéo WILD CEREMONY : Séance d’ENSAUVAGEMENT / EMERVEILLEMENT
Rencontre avec une Plante Sacrée : le Tabac
– Chamanisme : Erix Sunfox Marchal (voir ici ou voir là)
– Video et Poésie : Pierre Tallaron, Chant : Tal Azrak, percussions : Alex
– Texte tiré du Loup des Steppes de Hermann Hesse
  • ce n’est pas un spectacle !
  • ce n’est pas une conférence !
  • ce n’est pas un atelier !
  •  c’est une « WILD CEREMONY »…
  • « Rite Poétique et Sauvage »
  • « l’homme qui à vu l’homme qui à vu la bête »
  • « retour non garanti » « réservé aux insensés« 
  • A la rencontre des « Médecines Chamaniques » de la Terre et de la Vie (Rien à voir avec la médecine occidental et les diagnostiques !)

Cadre de la Loi Française :
Aucune plante psychotrope et/ou interdite par la loi n’est utilisée ni autorisée pendant ces cérémonies !


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Le terme même chamanisme a été construit à partir du mot ‘saman’ utilisé par les Toungouses, pour dire 2 choses en même temps :
* « celui qui sait »
* celui qui « bondit, s’agite, danse ».


depuis le « Je est un autre » de Rimbaud, jusqu’au « je ne sais plus, que je sus ce que c’était » de Beckett.

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« Je porte quant à moi haute estime aux valeurs de la sauvagerie : instinct, passion, caprice, violence, délire. Je n’entends d’ailleurs pas que ces valeurs fassent aucunement défaut à notre Occident. Bien au contraire ! Mais les valeurs célébrées par notre culture me paraissent ne pas correspondre au vrai mouvement de notre pensée. Notre culture est un vêtement qui ne nous va pas – qui en tous cas ne nous va plus. »
– Jean Dubuffet –


Maîtres du désordre et Harmonie

Le Chapitre qui suit est extrait du livre:
CHAMANISME, chemin d’extase.
YOGA, chemin d’enstas
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Pour trouver le « feu fou » de sa propre danse,
il n’y a plus ni règle, ni modèle…
Il faut oser « brûler son âme » et plonger dans l’inconnu,
dans ce qui nous est complètement personnel
et qui se construit et se déconstruit en permanence.1

Eclair regarde le monde qui défile le plus souvent, au rythme lent de la marche. Au rythme plus rapide d’un taxi-bus bondé parfois. Ramalec regarde son élève regarder. Les jours se succèdent ainsi, traversant vallées, villages, nature, et même une grand ville.

L’euphorie chez Eclair a depuis longtemps laissé la place à une forme de mélancolie. Les siens lui manquent, à quoi bon tout cela s’il ne peut le partager qu’avec son vieux maître plongé en un profond mutisme. Il se rend compte alors combien Oiran compte, et combien il a envie de courir la rejoindre. Cette mélancolie depuis la grand ville est presque teintée de stupeur. Au déchirement de l’éloignement s’ajoute les chocs de ce qu’il croise, de ce qu’il voit. Les bruits et l’agitation de la ville l’ont comme hypnotisé au début. Il a cru reconnaître le tumulte du torrent dans le chaos de la grande ville. Mais un torrent dans lequel il n’a pas appris à nager, et qui l’emporte inexorablement.

C’est comme si, au sein du village, il avait été protégé de certains aspects de la vie. Il voit maintenant ça et là, la misère des mendiants, des estropiés, des malades. Il a croisé aussi la violence de ceux qui ont essayé de les détrousser ou les invectives et les provocations entre quelques Hindous et quelques Musulmans. Et les titres brandis des journaux le relient à un monde de catastrophes naturelles, de guerres, et de crises. Alors il ne s’étonne plus de croiser sur son chemin beaucoup de visages fermés, préoccupés, perdus. Ce que portent les passants se communique directement à Eclair tant il est encore une éponge.

La tendance à effacer le sacré, à l’éliminer entièrement, prépare le retour subreptice du sacré, sous une forme non transcendante mais immanente, sous la forme de la violence et du savoir de la violence. La pensée qui s’éloigne indéfiniment de l’origine violente s’en rapproche à nouveau mais à son insu car cette pensée n’a jamais conscience de changer de direction. Toute pensée décrit un cercle autour de la violence fondatrice…

la violence essentielle revient sur nous de façon spectaculaire, non seulement sur le plan de l’histoire mais sur le plan du savoir. C’est pourquoi cette crise nous convie, pour la première fois, à violer le tabou que ni Héraclite ni Euripide en fin de compte n’ont violé, à rendre pleinement manifeste, dans une lumière parfaitement rationnelle, le rôle de la violence dans les sociétés humaines.2

Eclair regarde le monde comme il ne l’avait pas encore vu. Ramalec le regarde toujours.

Eclair a perdu tous ses repères. Il y a du beau, mais il y a aussi beaucoup de laid autour de lui. Il semble y avoir un peu d’amour, d’amitié et de joie, mais beaucoup aussi de solitude, de violence et de souffrance. Ou tout du moins c’est comme cela qu’il voit les choses maintenant.

Dans la plupart des cultures, des traditions mettent en scène des forces contraires qui se disputent le monde en un combat nécessaire et sans fin. Tout ordre, y compris l’ordre divin, est fondamentalement imparfait, limité, menacé d’implosion. Cette conscience du désordre semble être commune à toute civilisation et les forces perturbatrices, nécessaires à l’équilibre de l’univers et à sa continuité. …/… La mort, la douleur, les catastrophes naturelles et les guerres manifestent l’imperfection du monde et témoignent de cette impuissance des dieux des religions établies, de leur silence ou de leur distance. En réponse à cette impuissance, apparaissent, en marge de tous les panthéons, des figures transgressives, passeurs de limites …/… Leur récurrence dans la plupart des traditions met en évidence le caractère indispensable du désordre dans la mise en mouvement du monde. Une ambivalence essentielle : ce désordre maintient l’ordre des choses. 3

Ramalec les a fait sortir de la ville dès qu’il a pu. Demain ils seront aux portes de la Kumbh Mela. Il ne reste presque plus que ce pont qui surplombe la rivière à traverser et encore une poignée de kilomètres avant d’arriver à destination. Mais avant de traverser, ce soir, ils ont quelque chose d’important à faire.

Ramalec commande à Éclair de rassembler un peu plus de bois qu’à l’ordinaire. Il lui laisse allumer le feu, comme il lui a appris, dans les règles de l’art. Ramalec ne mange pas ce soir. Eclair se délecte de sa double ration. Au moins, les tracas du monde ne lui ont pas coupé l’appétit. Il sait que demain est une journée importante pour lui. Il ne sait pas encore que cette nuit est tout aussi importante.

Éclair se couche, s’endort presque, terrassé par la marche et les visions de sa journée. Il a un peu de fièvre.

Ramalec s’affaire.

Or, dans la plupart des régimes animistes, les agents de l’infortune sont des êtres d’un autre monde et un intercesseur, spécialiste de la surnature, sert de médiateur entre ces deux pôles. Il négocie avec ses alliés, les esprits multiformes à la nature variable, génies anthropomorphisés ou avatars de dieux et d’ancêtres prestigieux.

Les intercesseurs : personnages liminaires, ils sont par définition marginaux. Ils enfreignent les séparations entre des mondes habituellement dissociés : le masculin et le féminin, le monde des vivants et celui des morts, celui des animaux et des hommes. Non désignés mais élus par le monde autre, ils deviennent, après un enseignement, initiés, aptes à effectuer les éprouvantes négociations avec les esprits.

Leur maîtrise des forces permet aux « maîtres du désordre » de guérir et donc d’exorciser, de protéger, d’enchanter ou de désenchanter, de prédire ou de décrire les troubles à l’origine des infortunes mais, dans tous les cas, leur rôle est de rétablir les déséquilibres cosmiques à l’origine des désordres écologiques, psychologiques ou humains.4

GrrrrrRRRRRR !!!!

Cette nuit là, Eclair a l’impression de faire un cauchemar !

Il voit Ramalec commencer par gratter le sol. Ramalec se mouche dans sa main, est pris de gestes répétitifs, puis convulsifs. Son regard n’est pas là. Il est à demi nu et vocifère, éructe, et gronde comme un volcan. Il bondit, s’écroule. On dirait qu’il va se blesser à chaque instant, ou tout détruire. Il ne danse pas vraiment, il est furie. Il y a là tous les démons en lutte, et la terrible Kali, le redoutable Rudra, l’impressionnant Bhaïrava, la panique qu’engendre Pan, la Mort et sa faucille, et la cohorte des Effrayants.

Le cauchemar grandit et emplit tout :

Je viens de toucher un champ frémissant, un éclat de rêve, je viens de regarder par l’intérieur du corps mes lianes cosmiques.
Avec une sauvage volupté, tu viens d’éveiller mon corps aux premiers rites d’ensauvagement,
Rêves archaïques, corps déchaînés, sueurs brûlantes, âmes conscientisées, les corps font ré-émerger l’ancestrale animalité.
Je suis invitée à entrer dans le cercle de protection
Tu sondes dans le labyrinthe des tripes et des larmes, du sang et des gestes, ce qui fait obstacle, ce qui s’est agglutiné dans l’ombre, ce qui fait peur, ce qui met en fuite.
Là, soudain, sensations sourdes d’emprise, d’assauts de densité voisinant avec le plaisir. Tes mouvements fulgurants me permettent de sillonner les nervures de ma mémoire avec la voix, les râles, les sons rauques, la bave.
Je capte une forme de combustion animale, un esprit sauvage enfoui.
Je me laisse glisser, coulisser, descendre le long de l’ossature, je sens les écorces internes, les fibres, les nœuds, les bifurcations de mes racines et de mes membres. Vibrantes perceptions des organes, eux-mêmes se dilatent dans le présent de la relation et s’allongent vers les ramures du ciel.
Envoûté par l’âme des forêts, je me laisse aller vers un monde qui m’est inconnu, un monde où se révèlent, se dévoilent et se mettent à nus des frénésies solaires et lunaires, des grappes de mémoires corporelles gondolées, cassantes, inflammables sous l’écho strident de ta présence.
La rencontre du poids de ton corps ensauvageant, de ses modulations de présence, des mains guérisseuses, la rencontre avec ces deux intimités m’aide à arpenter mes paysages intérieurs. La morsure sauvage de cette transe convertit les échelles somatiques et psychiques. Par sa prodigieuse vivacité, elle fait ressurgir des animaux alliés, indomptés : étranges matières charnelles et charnues, je me trouve en terre étrangère avec un corps de fauve. Cette transe animale lèche mes plaies comme une bête se soigne.
La guidance de tes mains, de tes gestes, de tes mouvements bienveillants me transforme,
Je suis soulevée, retournée, transfigurée, recomposée par un lien touchant aux espaces d’une rage cosmique.
Le tempo du souffle, des tambours, m’incite à retrouver la ferveur de la vie, la jouissance de l’inattendu, la grâce de l’imagination, les battements intimes du cosmos.
Animalité du corps retrouvé, animalité des mémoires habitées,
Tant de choses invisibles soudainement révélées,
L’animal ensauvagé crée une membrane charnelle, un réseau perceptible qui réjouit et rejoint la plénitude. Mon corps se régénère, se re-énergétise, il reprend sa forme essentielle proche de l’âme infinie.
Pétrie par cette danse intuitive et aiguë, je renais à moi-même entre tes mains, elles unissent mes agrégats corporels et spirituels vers une matrice métaphysique de vie.
Ces mondes intérieurs visités, délestés et remodelés trouvent un chemin céleste pour s’incarner. Sensations vives d’avoir vécu proche du sacré.
5

Eclair s’écroule. C’est fini. Tout est fini.

La fin dure. La fin n’en finit pas.

Il se rhabille comme il peut, se relève, laisse ses mains glisser encore à quelques centimètres de la tête d’Éclair qui comprend qu’il ne rêvait pas.

Ramalec a pris soin d’Éclair, plus profondément encore cette fois. Soin, Chaos et harmonie. Une dernière fois, et il a tout donné.

Rudra-Shiva, dieu du monde végétal, connaît tous les remèdes. Il est décrit comme le plus grand des médecins (Rig Véda, I, 43, 4 ; I, 114-5 , II, 33, 2, 4, 7, 12, 13., etc.) Il dispose des poisons, mais ne les craint pas lui-même. Lorsque dieux et Titans donnèrent naissance au monde par le barattement de l’océan cosmique, il en sortit le nectar, mais aussi le poison. Shiva but ce poison pour en protéger le monde. Le poison resta bloqué dans le cou du dieu, qui devint bleu. C’est pourquoi Shiva est aussi appelé le dieu au cou bleu (nilakanta). La médecine guérit par l’usage prudent des poisons. Le serpent est le porteur des plus violents poisons, il forme le collier de Shiva toujours associé aux serpents.6

L’épisode d’ensauvagement du Chaman, sa furie, figure en première place parmi les caractéristiques du rituel qu’on appelle « séance /… / Il est le moment crucial, et seul le Chaman peut le réaliser …/… l’éclat de furie est le seul acte rituel dans lequel le Chaman ne peut être remplacé. Dire qu’un rituel exige la présence du Chamanerevient à dire qu’il exige l’épisode. …/… l’épisode rituel constitué par l’éclat de furie et l’état de mort qui lui fait suite, les deux moments de l’ensauvagement, [sont] comme l’expression physique de l’accouplement mené à terme – ce qui explique pourquoi le Chaman n’exerce que déboutonné.7

Ce peut paraître violent et fou.

C’est plein d’Amour.

C’est selon le principe d’inversion apparente des valeurs particuliers au Tantrisme que l’on va utiliser les forces de tamas, les poisons, les drogues, les passions, comment moyens de conquête du monde surnaturel, car c’est en maîtrisant ce qui normalement nous détruit que nous pouvons vaincre la mort et atteindre l’immortalité. Shiva est l’incarnation de tamas, le principe d’éclatement destructeur et procréateur, car c’est de la destruction que naît et subsiste la vie8

1Shiro Daimon – Maitre Japonais de danse Buto.

2La Violence et le Sacré – René Girard, éd. Hachette, coll. Pluriel, p. 480

3Extrait de la présentation de l’exposition : Les Maîtres du désordre, au Quai Branly 11 avril-29 juillet 2012 – Commissariat : Jean de Loisy, assisté de Sandra Adam-Couralet – Conseiller scientifique Bertrand Hell

4Extrait de la présentation de l’exposition : Les Maîtres du désordre, au Quai Branly 11 avril-29 juillet 2012 – Commissariat : Jean de Loisy, assisté de Sandra Adam-Couralet – Conseiller scientifique Bertrand Hell

5Texte écrit par Sig Sarapy – www.sig-sarapy.com
à la suite d’un rituel d’’ensauvagement que j’ai conduit

6Shiva et Dionysos. Alain Daniélou. Fayard. P 91

7La chasse de l’âme, esquisse d’une théorie du Chamanisme sibérien – Roberte Hamayon – Société d’éthologie – p524

8Shiva et Dionysos. Alain Daniélou. Fayard. P 162


Ce Chapitre est extrait du livre:
CHAMANISME, chemin d’extase.
YOGA, chemin d’enstase

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 » Étrange et anormal, oui. Le statut de chaman-possédé exige des potentiali- tés hors norme parce que, comme le dit l’auteur, « la possession, comme le chamanisme, marque effectivement le temps de l’irruption du sauvage dans l’ordre de la cité ». « Ensauvagement », désordre : le chaman-possédé en est le maître. Ces forces, puissamment sous le sceau de l’ambivalence et avec lesquel- les il « joue », qu’il se doit de maîtriser en permanence, il est là pour leur donner sens. Il se tient entre la nature et la culture. Il se meut dans une sphère très singulière et va donc être perçu par sa propre société de manière très ambiguë.

Il ne peut prétendre à un statut ordinaire. Il vit sur les marges. La société le craint, le respecte, le sollicite, le tient à part, le méprise et le redoute. Le far- deau est lourd à porter, mais son efficacité est à ce prix. Il est « étranger dans la cité ». Mais, « si le chamanisme et la possession doivent être étroitement associés à la marginalité transgressive, il s’agit toujours d’une marge intérieure.

C’est la raison pour laquelle la reconnaissance de l’efficacité thérapeutique des cultes est largement partagée au sein de toute la société, au-delà des frontières sociales et religieuses »,

cf : Bertrand Hell, « Possession et chamanisme. Les maîtres du désordre », Paris, Flammarion, 1999.


L’âme a la faculté de quitter le corps, chez les gens ordinaires, comme chez le chamane et le héros épique. Chez les gens ordinaires, elle le quitte à certains moments particuliers : pendant le rêve, l’ivresse et la maladie. Ils ne sont pas contrôlés. Chez le chamane, le départ de l’âme se voit au cours de la maladie initiatique (absence d’âme), au cours de la furie pendant la séance chamanique (ensauvagement selon Roberte Hamayon), au cours de son voyage dans le monde des esprits (l’extase de Mircea Eliade). Il réalise ici-bas et autant de fois qu’il le désire la « sortie du corps ».

 cf Wikipedia


3. Les marques du désordre 3.1. Rituels : furie et altérité

Lors des rituels, celui qui fixe la vérité le chaman n’est pas qui parle, mais l’entité qui s’exprime à travers lui. Pour être acceptable, la vérité doit être impersonnelle, déshumanisée. Le rituel crée un espace sémantique propre, de nature à opérer ce passage entre l’acte de communication et l’acte de métacommunication. Dans cet espace, le chaman possède un pouvoir dont il ne jouit pas dans la vie quotidienne.

Les rituels sont construits selon un scénario précis qui permet de mettre en scène le pouvoir du chaman/possédé sur les esprits ainsi que la réalité de sa captation du surnaturel. S’ensauvager, puis devenir autre sont les temps forts de cette démonstration publique. Toute l’efficacité et la légitimité de la parole inspirée en découlent.

L’ensemble du rituel se présente comme un espace de transgression, de subversion. Le climat d’anarchie est consubstantiel au rituel. Il affecte aussi le code des prééminences : dans l’espace dévolu à la possession, nobles, membres des classes supérieures, forgerons, artisans et anciens esclaves se côtoient librement. Bien plus, la cérémonie repose sur un processus d’inversion du pouvoir.

3.1.1. La furie

Les manifestations de la furie et de l’altérité des adeptes sont frappantes.

Que la conscience du chaman/possédé soit ou non altérée par un mécanisme psycho-physiologique ne modifie en rien le déroulement du rituel type. La logique symbolique prédomine. Elle donne son sens premier à tous les actes, si délirants puissent-ils sembler.

Les élus de la surnature se voient donc, dans un premier temps du rituel, emportés par une force supérieure lors d’une lutte difficile et douloureuse. Cette phase met en scène la victoire des esprits sur l’homme.

Les accès de furie de l’élu des esprits marquent un épisode obligé du cérémonial. Le déchaînement est aussi bien verbal que gestuel. La furie des élus peut être contagieuse dans l’assistance. Des accidents peuvent survenir.

Il appartient à cette scénographie rituelle de rappeler un principe récurrent : on ne s’allie pas avec la surnature de son plein gré.

La bête figurée lors de la rage n’est jamais paisible : sa sauvagerie est toujours débordante. On peut y voir un noyau irréductible du chamanisme. Le registre des métamorphoses inclut de nombreux personnages, mais le motif de l’ensauvagement est primordial.

Cette furie n’est pas étrangère à une certaine énergie sexuelle, à une vigueur génésique. Autant durant le rituel que dans la vie de tous les jours l’omniprésence de cette sexualité débridée est sensible.

3.1.2. Le contrôle de l’initié

Pour débordante et dangereuse qu’elle soit, la force d’ensauvagement ne saurait submerger totalement le chaman/possédé. A lui, donc, après cette première phase du rituel, de démontrer son pouvoir de contrôle.

Même au moment le plus paroxystique du déchaînement, il est possible de suivre l’inscription de la gestuelle dans le strict cadre du rituel. Ceci soulève la question de la sincérité : savoir si tout ceci n’est pas du théâtre, de la mise en scène.

Ces signes de contrôle renvoient à plusieurs registres. En premier lieu, celui de la grammaire propre à chaque rituel. Par exemple, au regard de cette grammaire du rituel, le corps qui danse n’est pas libre de ses mouvements. En second lieu, le registre du respect des conventions sociales du rituel.

Les signes de contrôle les plus spectaculaires sont incontestablement ceux démontrés lorsque l’allié des esprits « offre » son corps. Les exploits physiques, proches du fakirisme, contribuent à l’efficacité du rituel et sont un rouage de l’adhésion collective. Nul initié ne saurait revendiquer une alliance aboutie avec les génies les plus forts s’il n’est en mesure d’en apporter une preuve par le corps.

3.1.3. L’altérité

Pour exprimer l’idée d’une métamorphose de l’élu des esprits, bien des rituels adoptent des mises en scène spectaculaires : costumes, altération du caractère visible à travers des expressions exagérées, façon de se mouvoir, changement de façon de parler (vocabulaire, tonalité, ou même langue, rendant parfois les propos inintelligibles), … Ces altérations vont parfois au-delà des limites physiques : une initiée vieille et ayant du mal à se mouvoir se met à danser gracieusement, … Parfois un même initié connaît plusieurs possessions successives, avec des « personnages » clairement différents à chaque fois.

Le chaman, lui, ne se contente pas de voyager dans le monde de la surnature et de gravir l’échelle du monde. Une phase essentielle du rituel consiste en une incorporation d’esprits qui « descendent » dans son corps. Les entités appelées par les chants et le tambour prêtent à une scénographie identificatoire tout aussi affichée et lisible que dans les cultes de possession.

L’identification profonde du chaman avec les esprits animaux conduit à la croyance en une transformation définitive après la mort.

3.1.4. Autres éléments

Les paroles des chamans et des possédés recèlent une force intrinsèque. Certaines paroles, certains noms, ont un pouvoir.

La force détenue par le nom même des esprits, par les invocations chantées, émane directement du souffle de la surnature. La possession est explicitement associée à une intrusion d’air dans le corps, le possédé est animé d’un souffle nouveau.

Dans toutes les techniques de transe et de modification de conscience on retrouve cette importance du souffle.

La symbolique de la nuit est particulièrement importante. L’opposition entre le jour (temps du prêtre) et la nuit (temps du chaman/possédé) s’inscrit, en la renforçant, dans le droit-fil de la séparation entre Sauvage et Domestique.

3.2. Vivre sous le signe du contre-monde

Le chaman/possédé doit disposer d’une autorité car l’élu des esprits est aussi l’élu du groupe social. Il a délégation pour incarner la collectivité dans la relation établie avec la surnature, mais aussi le pouvoir pour imposer sa parole à chaque membre de la communauté.

Sa compétence doit être large, car le logos du chaman/possédé est aussi bien prophétie et révélation, bénédiction et protection que dénonciation et admonestation, ou encore diagnostic et prescription thérapeutique.

cf : http://www.systerofnight.net/religion/html/possession_chamanisme.html


et pour terminer je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous cette usurpation :
- Au XVIIIe siècle, le terme « chamane » fut emprunté au toungouse par l’Archiprêtre Avvakum. Il est composé de la racine altaïque şam- signifiant « s’agiter, sauter, bondir tout en remuant le postérieur » et du suffixe –man qui signifie « puissant savoir du sage » chez les Iakoutes. Aussi, selon Bertrand Hell, le şàāman’ est, soit « le sage qui sait par le fait même de bondir et de s’agiter », soit « l’agitateur qui, postérieurement, sait rebondir pour devenir sage », soit « le bondissant qui sait comment agiter sagement le postérieur ». http://desencyclopedie.wikia.com/wiki/Chamanisme_iakoute_du_Dieu_Poney

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